La Réserve d’Arjuzanx, l’arche de Noé landaise

S’il existe un paradis des grues cendrées, pas de doute, il se trouve ici, au cœur de la forêt landaise. Entre ciel, terre, et eau, la réserve d’Arjuzanx vous invite à partager, sans jamais la déranger, l’intimité de la faune sauvage.

La réserve d’Arjuzanx, c’est plus de 2630 hectares d’espace naturel, aux portes du Parc Naturel Régional des Landes de Gascogne. La paix et la nature à l’état pur, comme vous ne l’imaginiez plus possible…  Au cœur du plus grand massif forestier européen, cette étendue sauvage est l’un des espaces naturels protégés de référence en France et en Europe. Exploitée pendant 32 ans par EDF pour l’extraction du lignite, la réserve revient en effet de loin… En témoigne le relief singulier dont le site conserve la mémoire. Rendue à la nature au début des années 90, cette ancienne mine fait aujourd’hui office de refuge pour de nombreuses espèces. Composé de vastes plans d’eau, pelouses sèches, landes humides et bassines discrètes, le lieu donne des impressions de bout du monde tant le sentiment d’espace est grand.

Une encyclopédie vivante

Plus de 2000 espèces s’épanouissent en liberté dans le marais. Dans les hautes landes, les chevreuils côtoient des nuées de palombes et profitent d’une végétation désormais abondante. Un peu plus loin, des vaches highland et chevaux entretiennent avec dévotion les prairies du site. Partout, la nature a repris ses droits; en témoigne la présence d’espèces animales remarquables comme la loutre ou le vison noir, ces mammifères emblématiques des Landes de Gascogne. Côté flore, les botanistes en herbe se réjouiront d’observer de près lichens, champignons et autres végétaux rares (Lycopode des tourbières, Sérapia à petites fleurs…). Parmi les 495 plantes supérieures recensées dans la réserve, 19 espèces présentent un intérêt patrimonial majeur. Une véritable encyclopédie vivante!

La magie du lieu tient au fait qu’à la réserve d’Arjuzanx, les oiseaux sauvages se sentent en sécurité, et cela, même si 200 000 visiteurs y viennent tous les ans pour les observer de près. Merveilleux théâtre à ciel ouvert, c’est l’endroit idéal pour entrer en communion avec nos amis à plumes. La réputation de la réserve d’Arjuzanx vient surtout de la présence des mythiques grues cendrées. Mais ce sont plus de 200 espèces d’oiseaux migrateurs qui viennent passer l’hiver ici. En provenance des pays baltes pour la plupart, ils viennent s’y reposer après un long périple. Busard des roseaux, Fauvette pitchou, Alouette lulu… Au cœur de cet environnement protégé et préservé, les oiseaux sont libres et rois.

Le plus grand échassier

Et pour prendre le pouls de la réserve, on s’élance sur les sentiers de randonnées qui sillonnent le site. Près de 27 km de chemins balisés bordant le lac d’Arjuzanx. D’une rive à l’autre, on remonte le temps, de l’origine géologique du site à son passé minier. L’occasion pour le visiteur de profiter des points de vue spectaculaires qui jalonnent le parcours, pour mieux saisir l’évolution du paysage. Équipés de nos jumelles ou depuis l’observatoire de la réserve, on s’offre de belles rencontres avec la Nature, sans jamais la déranger. En chemin, on croise quelques gardes naturalistes qui s’assurent de la bonne santé du milieu. Et à l’arrivée des premiers jours de fraîcheur, ils sont sur le qui-vive et tendent l’oreille. Elles arrivent…!

L’hiver venu, les grues cendrées débarquent par milliers dans la réserve, pour une escale bien méritée ! Pour donner une échelle, sur les 220 000 grues de passage dans la région, près de la moitié font étape à Arjuzanx entre novembre et février. C’est en effet le plus grand site français d’ hivernage des grues cendrées. Il est d’ailleurs difficile de passer à côté de ce phénomène: si la grue cendrée est le plus grand échassier d’Europe, ce n’est certainement pas l’espèce la plus discrète… Qui n’a jamais entendu ce « krooh » perçant et haut perché, reconnaissable à nul autre pareil ? Dans un vacarme étourdissant, les grues se déplacent en V, le cou tendu et les longues pattes bravant les airs, flottant au-dessus de nos têtes. Arrivées en famille, elles parcourent parfois jusqu’à 3000 km, en jouant notamment sur les courants d’air en altitude, pour rejoindre leur résidence secondaire. Une ondulation lente, dans le ciel, qui annonce l’arrivée du froid pour les hommes et sonne le début de la saison hivernale pour les animaux de la réserve.

Une longue parade

Et pour les observer de plus près, il faut savoir se lever tôt. En témoignent les dizaines de photographes animaliers et férus de nature venus assister au somptueux ballet des grues cendrées. Il fait encore sombre. L’air est vivifiant, l’atmosphère d’une quiétude contagieuse. Seuls les va-et-vient des oiseaux dans l’eau viennent rompre le silence. À Arjuzanx, les grues cendrées trouvent leur bonheur dans les zones humides qui les mettent à l’abri des prédateurs. Cachées au milieu des roseaux, elles flânent du côté des vastes étangs et bassines, ces petits plans d’eau peu profonds, emblématiques de la réserve. Les pattes dans l’eau, le regard en surplomb de la faible végétation des berges, elles peuvent ainsi voir arriver le danger de loin. À mesure que la brume matinale se dissipe, et que le ciel se pare de ses premières lueurs rosées, l’agitation monte au milieu des landes humides. Soudain, ce sont des milliers d’oiseaux qui se déploient dans les airs… Il est l’heure de manger: les grues s’envolent pour aller picorer les grains de maïs dans les champs voisins. Le soir venu, elles regagnent avec énergie leur dortoir sécurisé. C’est alors une longue parade qui recommence. Tandis que ces migrateurs gris ardoisés tournoient en petits groupes au-dessus de nos têtes, le silence est de mise à terre. La valse des grues qui se posent en douceur et s’envolent depuis les pièces d’eau offre un spectacle grandiose. Un moment de grâce, suspendu dans le temps… Si certaines grues poursuivront leur migration vers l’Espagne, la majorité va rester paisiblement dans les Landes. Ce sera alors le temps des vacances, en attendant le retour du printemps !

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