Jean-Claude Prinz

Lumières sur le bassin d’Arcachon

Editions Vision – 2022

Jean-Claude Prinz est un témoin attentif de la douceur de vivre du Bassin. Des cabanes ostréicoles aux façades polychromes des maisons arcachonnaises, le peintre saisit l’échelle de l’intime, celle de l’habitat, de l’homme et de la nature. Des scènes qu’il dépeint avec sensibilité, en racontant le Bassin dans toute son hétérogénéité et sa complexité.

Manet, Bonnard ou Lautrec… Les plus grands artistes-peintres sont venus à Arcachon. Tous sont tombés amoureux de la lumière et de l’atmosphère si particulière de ce coin de paradis. Chevalets plantés ici et là, ils vont dépeindre la métamorphose d’un pays sauvage à la naissance d’un formidable lieu de villégiature, où chaque décor raconte une histoire. Une grande aventure picturale qui rendra, de tout temps, hommage à la beauté majestueuse du Bassin.

Une période de recherches intensives et fructueuses

Jean-Claude Prinz est de ceux qui ont su saisir la richesse de ce paradis de beauté et de bonheurs simples. Architecte d’intérieur et designer, il a longtemps collaboré au sein de grands groupes de design, avant de fonder sa propre agence, Prinz Design, spécialisée dans l’architecture commerciale. Désormais, l’architecte se consacre à transmettre ses passions par des conférences ou des cours dans des universités, et renoue avec ses premiers amours: le dessin et la peinture. «Étudiant, j’ai toujours dessiné. On peignait, on sculptait, on gravait… Tout était prétexte à exprimer une idée, un espace, un lieu ». Mais très vite, Jean-Claude se frotte aux limites de sa créativité: « L’architecture est un art social, mais ce n’est pas une œuvre personnelle. ». À l’aube de sa retraite, il décide donc de ressortir ses carnets de croquis, ses carnets de voyage, ses pinceaux et ses toiles. Jean-Claude tâtonne, hésite, essaye, rate, recommence. «J’avais oublié ce douloureux face-à-face avec la toile blanche… Quel défi de faire sortir des émotions, de livrer un peu de soi sur cette étendue blanche. » 

Commence alors une période de recherches intensives et fructueuses. Le peintre part alors flâner dans les rues, il peint et dessine ce qu’il voit: des maisons, des cabanes, des bateaux… Et si Matisse, Picasso ou Kandinsky l’inspirent, c’est le travail de Hopper, et ses subtils contrastes entre lumière et obscurité, qui vont opérer une révélation dans son processus créatif. « Lui aussi voulait être architecte au départ, et on retrouve cette dimension sociale dans sa peinture». À son tour, Jean-Claude va se plonger dans la lumière, les volumes, les perspectives. Le peintre va saisir le monde qui l’entoure, pour en extraire toutes les nuances et la lumière.

Souvenirs évanouis de paysages familiers

Et l’inspiration ne manque pas autour de lui. S’il a longtemps habité à Paris, Jean-Claude s’est installé il y a quelques années à Arcachon, dans le quartier des Abatilles. Cela fait bientôt trente ans qu’il vient ici, mais jamais il ne s’est autant senti chez soi qu’aujourd’hui. « Je n’ai jamais cessé, avoue-t-il, de rester fidèle à ces paysages enivrants du Bassin, de conserver une affection particulière pour le trouble que j’y ai toujours ressenti, de penser que c’est là que j’ai découvert le plaisir de peindre». Des cabanes colorées du port de Biganos aux villas Belle Epoque d’Arcachon, ses peintures ressuscitent et fixent avec délicatesse des souvenirs évanouis de paysages familiers. « J’ai l’impression de vivre dans une bulle ici, tout y est plus simple, plus doux. Il émane de ces paysages une sérénité presque contagieuse. Entre les villas cossues de la Ville d’Hiver, les luxueuses bâtisses du Pyla, les cabanes de pêcheurs ou les maisons basques, le Bassin semble être terre de contradictions, pourtant c’est bien ce sentiment d’unité et de quiétude qui prédomine ».

Dans l’oeil du peintre-architecte 

Analyser avant de peindre, ainsi peut-on résumer la démarche de Jean-Claude Prinz. Couleurs, perspectives, lumière, éléments d’architecture…. le peintre capte de nombreux petits détails qui façonnent l’identité de ces paysages du Bassin. Les textures, les lignes, les ombres, les mouvements : tout est millimétré. Allant d’un réalisme implacable et franc, basé sur une observation précise, à un point de vue extrêmement personnel et intime, les compositions de Prinz transporte le spectateur dans une réalité singulière. Face à l’une de ses toiles, on pourrait presque respirer tantôt l’iode, tantôt l’odeur des pins. « Tout ce qui m’intéresse, c’est d’arriver à peindre la lumière, celle du soleil sur la façade d’une maison ou celle d’une couleur sur une cabane.». Pour donner corps à une oeuvre, cet ancien architecte s’attache tout d’abord à comprendre comment l’ombre et la lumière racontent quelque chose sur un bâtiment, un paysage. Il observe les lieux au petit matin, y revient plus tard, à l’heure du crépuscule, il prend des photos, annote des indications sur la texture de la lumière, esquisse quelques croquis…. Le travail se fait ensuite dans le petit atelier attenant à sa maison. Face à la toile, le peintre et l’architecte ne font alors qu’un. Au T, à l’équerre et au crayon, Jean-Claude travaille en frontal, traçant un croquis très précis du sujet avec des tracés régulateurs. « Mes toiles sont quadrillées de lignes, de traits, de verticales, d’horizontales. Le sujet m’intéresse peu à ce moment-là: c’est la composition qui m’intéresse en premier. ». Puis vient le temps du « barbouillage » où l’oeuvre se recouvre de peinture, l’étape la moins grisante pour ce technicien. À l’aide de feutres, d’acryliques ou de posca, il va ensuite travailler les détails, les éléments, les ombres, la lumière pour que la toile prenne sens. C’est d’ailleurs peut-être là que se trouve la marque de l’artiste : ce travail d’organisation, de composition, de finition. Avec lui, on navigue alors des fastueuses villas ourlant les plages d’Arcachon jusqu’aux cabanes colorées des ports qui jalonnent la côte. Des moments familiers, d’une apparente simplicité, et pourtant il se dégage de ses œuvres une atmosphère romantique, presque cinématographique.

“C’est toute l’âme du Bassin qui éclate pleine d’une vie nouvelle”

Après des années à arpenter le Bassin, l’artiste a décidé de regrouper près de 200 œuvres dans un livre-catalogue, réunissant en cinq chapitres les thèmes qui lui sont chers. On y retrouve les paysages du bassin qu’ils affectionnent tant comme la plage Perreire ou les vues d’Arcachon qu’il  découvre depuis son bateau. Mais aussi des portraits des hommes de la mer qu’il observe de près: ces ostréiculteurs à l’œuvre dans les parcs de bon matin, ces pêcheurs qui s’affairent à réparer leur filet, ces « voileux » emportés en régate… Les bateaux, qu’il regarde avec envie, avec curiosité, occupent eux aussi une belle place dans son ouvrage: détails de leurs coques, de leur poupe, d’un gouvernail… Mais ce sont peut-être les maisons qui fascinent le plus cet ancien architecte. Style mauresque, néo-basque, contemporain… Toutes ces bâtisses forment une unité étonnante que décrypte avec justesse le peintre. Si les décors surannés des ports ostréicoles tranchent avec le faste d’Arcachon, ils sont justement une grande source d’inspiration pour le peintre qui se plaît à observer les couleurs des cabanes, leurs formats, leurs implantations, leurs relations avec les bateaux attenants… Et sous ses coups de crayons et compositions rigoureuses, soudain, c’est toute l’âme du Bassin qui éclate pleine d’une vie nouvelle.

Comme une sensation de déjà-vécu

Aujourd’hui, Jean-Claude réalise deux à trois expositions par an sur le Bassin. Un comble pour celui qui ne s’était jamais imaginé vendre ses peintures. « Au départ, je peignais pour moi, beaucoup de paysages de New-York, de la côte Est des États-Unis. Puis un soir, une amie est venue dîner à la maison, après avoir longuement observé un de mes tableaux, elle a embarqué la toile, sans me laisser le choix, déterminée à l’acheter. Je n’avais jamais imaginé que mon travail pouvait intéresser autant ». Depuis, le peintre enchaîne les expositions, donnant sans cesse un nouvel éclairage à ces paysages du Bassin. Cette année, ce sont les bancs rouges d’Arcachon qu’il met à l’honneur: « ces lieux de rencontre, ces éléments de liaison, cette tâche de couleur chaleureuse qui se balade dans la ville » Des scènes apparemment banales, mais délicieusement intemporelles et lumineuses.

Quoi qu’il peigne, Jean-Claude Prinz semble capable de se l’approprier et d’y apposer son style. Un moment d’abandon inopportun, un sentiment d’étrangeté face à un lieu que l’on croyait connaître, l’éblouissement du soleil sur une façade, une nostalgie douce face à un paysage… Il y a comme une sensation de déjà-vécu lorsqu’on plonge ses yeux dans un tableau de Jean-Claude Prinz. Ses cadrages souvent audacieux, la lumière qui inonde ses toiles, la rigueur de son langage pictural, sont autant d’hommages à l’immuable douceur de vivre qui flotte sur le Bassin. 

LES CONSEILS DE JEAN-CLAUDE POUR DÉCOUVRIR LE BASSIN

  • S’offrir une balade en bateau : longer toute la côte du Bassin, du nord au sud: en route, on y découvre l’Île aux oiseaux, les cabanes tchanquées, les villages du bassins comme le Canon, Claouey, Petit Claouey, l’Herbe, le Cap Ferret, avant de revenir par le Pyla, la plage Pereire…
  • S’installer sur le port d’Arcachon: se poster juste avant la capitainerie et regarder le ballet des bateaux, qui rentrent  et sortent près de la Croix des Marins
  • Se balader en vélo au Pyla: se perdre dans les rues, s’étonner des contrastes entre les maisons et le bassin, se faufiler dans les petites ruelles, apprécier ces jolies percées qui offrent toujours une nouvelle vue.

Plus d’infos: jeanclaudeprinz.wordpress.com 

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